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L’ILLUSTRÉ

une fille et un fils, Saint-Sulpice (VD)
J’ai fait plier les services sociaux, mais mon plan de vie, ce n’était pas ça !
Dans l’enfer des pères amputés de leurs enfants
Ce vendeur en éclairage de 47 ans était en couple depuis vingt ans et marié depuis quinze lorsqu’il a décidé de quitter son épouse. C’était en 2019 et il y avait deux enfants de 9 et 13 ans et une maison dans l’équation.
On n’avait plus d’échanges et je sentais confusément qu’elle avait changé
confie ce Vaudois très pudique. Depuis plusieurs mois, sa femme et leur aînée s’enfermaient longuement dans la chambre de cette dernière sans qu’il comprenne très bien pourquoi. Plus le temps passe et moins sa fille lui adresse la parole, sauf pour lui lâcher parfois un mystérieux
T’es plus mon père après ce que t’as fait
Rapidement, il comprend que ces personnes ne recherchent ni la vérité, ni à rétablir une relation saine avec sa fille.
J’ai compris trop tard que sa mère médissait sur moi et qu’elle m’avait mis sévèrement ma fille à dos…
Quand la préadolescente commence à se scarifier, c’est par l’école qu’il l’apprend. La jeune fille parle ensuite de se suicider et elle finit par être internée à l’hôpital psychiatrique de Nant. C’est là qu’un signalement est fait à la DGEJ et que la situation devient kafkaïenne pour Maurizio.
Soudainement, l’État me disait que je ne pouvais plus voir ma fille avec cette seule raison qu’on me resservait en boucle : Parce qu’elle ne veut pas vous voir
Au début, il collabore et se rend aux rendez-vous fixés par la DGEJ.
Mais bien vite, j’ai compris que ces personnes ne voulaient pas rétablir une relation. Au contraire, ils continuaient à dire que je mettais mes enfants en danger sans preuve, et m’ont enfermé dans ce rôle
Dégoûté, Maurizio cesse de se rendre aux convocations et y envoie son avocat. En 2020, on lui annonce qu’une plainte a été déposée contre lui, sans lui en dire plus. Il apprend finalement que c’est pour actes d’ordre sexuel sur sa fille.
On a eu le plus grand mal à obtenir simplement le texte de cette plainte ! Quand on n’a rien fait et qu’on est faussement accusé, c’est très dur à vivre
Pendant plusieurs mois, Maurizio attend une convocation de la police qui ne viendra jamais. Son avocat apprend finalement que les policiers ont uniquement entendu sa fille, et que le juge a rendu une ordonnance de non-entrée en matière tant le dossier était vide. Finalement, Maurizio obtient la levée du mandat de la DGEJ et récupère la garde de son fils de 14 ans, avec qui il vit. Sa fille, devenue majeure, n’est plus sous contrôle de l’organisme, mais il ne peut la forcer à renouer avec lui : ils ne se sont pas revus depuis cinq ans. Il a pu divorcer l’année dernière. Au total, il a déboursé plus de 100 000 francs en frais d’avocats dans ses batailles judiciaires et administratives. Maurizio a fait plier la puissante Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), mais il ressort très fatigué de ces années de lutte, confessant avoir surtout perdu une grande part de sa joie de vivre.
Par LAURENT GRABET