CÉDRIC

9 janvier 2025 | Témoignages

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L’ILLUSTRÉ

9 janvier 2025
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Cedric 39 ans

deux fils, Epautheyres (VD)

J’ai dû choisir d’abandonner mes deux fils pour survivre

Dans l’enfer des pères amputés de leurs enfants

 

Début 2018, Cédric, 39 ans, horloger de formation en horlogerie, est en couple avec celle qui deviendra la mère de ses deux fils, Timéo* et Roberto*, nés en novembre 2018 et avril 2020. Leurs parents espéraient qu’ils les « ressouderaient », même s’ils ne l’avaient jamais été.
En été 2019, Cédric est frappé à coups de poing par sa compagne, laquelle tient leur aîné dans l’autre bras. Elle refusait furieusement qu’il sorte marcher « pour faire le point » après leur énième « explication ». À la suite de cet incident, un semblant de calme paraît s’installer et ils entament une thérapie de couple. D’autres incidents se suivent et Cédric file déposer une main courante à la gendarmerie, mais sans porter plainte pour violence domestique. Et il décide de retourner vivre chez ses parents.
Le Vaudois prend contact avec un centre LAVI, où un avocat-conseil lui enjoint fortement de régler ça à l’amiable. S’ensuit une médiation qui ne donnera rien.

Mon ex disait ne pas vouloir me tenir à l’écart des enfants mais rejetait une garde alternée

Lorsqu’elle déménage à une heure de là, dans sa ville de naissance, le voilà réduit à

Quémander quelques heures de visite en s’annonçant au moins deux jours à l’avance

Une dépression s’installe. Le papa n’a plus d’appétit, perd 20 kilos en trois semaines et ne dort plus qu’une à deux heures par nuit.
Cédric se bat pour faire valoir son droit et celui de ses fils à préserver leur relation. Mais ses espoirs sont douchés les uns après les autres au fil des audiences, des courriers et des conciliations.

Début 2021, son ex se braque et le prive unilatéralement de visites pendant deux mois. Elle s’est ravisée pour lui imposer des horaires improbables vu ses lieux de travail et de domicile. Son avocate l’a poussé à les accepter, car c’était ça ou rien. Il a parfois dû dormir sur un canapé au boulot pour réussir à voir ses fils tout en honorant son emploi. Il a aussi réduit son temps de travail de 20 % pour cela.
Les enfants sont finalement mis sous curatelle. Le Vaudois est usé. Son droit de visite est suspendu plusieurs fois. Les rapports avec son ex et sa belle-famille sont exécrables au point que les transferts des garçonnets d’un parent à l’autre doivent se faire en terrain neutre sous surveillance.

Quelque chose s’est brisé en Cédric depuis qu’il a été entraîné dans une guerre sans merci autour de la garde de ses fils. Le Vaudois de 39 ans pose ici dans ce qui fut leur chambre. Là, le souvenir de Timéo* et Roberto* plane douloureusement.

 Fin 2022, une expertise pédopsychiatrique tombe. Ce document est largement en faveur de Cédric, notamment en pointant du doigt les fragilités psychologiques de la mère de ses enfants et leur situation destructrice. Et pourtant, la conclusion de cette expertise lui donne le coup de grâce : il n’y aura pas d’extension de ses droits de visite au motif que la situation est vraiment trop conflictuelle.

Ce jour-là, j’ai commencé à me préparer à abandonner mes enfants, comme s’il s’agissait d’une fatalité

Cédric passe à l’acte un samedi d’octobre 2023 : il emmène ses fils pour une dernière sortie.
Une fois de retour au centre de transfert, il change son cadet puis prend les deux petits en face-à-face pour leur expliquer avec des mots d’enfants qu’il ne reviendra plus.

Quand vous serez plus grands, vous pourrez revenir vers moi, je vous aime plus que tout

Cédric a renoncé à son droit de visite et à son autorité parentale.

Par LAURENT GRABET

* Véritables noms connus de la rédaction