CARLOS

9 janvier 2025 | Témoignages

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L’ILLUSTRÉ

9 janvier 2025
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Carlos 64 ans

une fille, Rivaz (VD)

Quinze mois de prison et tant d’années perdues…

Début 2008, à 48 ans, Carlos commence une relation avec une femme de dix ans sa cadette. Elle est cadre supérieure dans une multinationale et semble tiraillée par son horloge biologique. Le temps presse aussi pour Carlos.

Je sentais que la vie filait et je désirais un enfant, c’était un objectif de vie.

Une petite Marie* leur est donnée en septembre de l’année suivante. Rapidement, le couple bat de l’aile. Et lorsque, finalement, ils se séparent en 2012, Carlos ne parvient plus à avoir une relation seul à seul avec sa fille alors âgée de 3 ans. Agacé, le Vaudois finit par s’adresser à un juge de paix.

Mon ex-compagne s’est braquée et s’est mise à me décrire comme violent psychologiquement et à salir ma réputation.

 

La juge décide de laisser à Carlos le droit de voir sa fille une fois par semaine. Et puis, du jour au lendemain, son ex-compagne se fait muter à Zurich. Les visites hebdomadaires deviennent alors un marathon.

Sa mère semblait anéantie psychologiquement dès que je venais récupérer notre fille les week-ends. La petite avait droit à un interrogatoire chaque fois qu’elle rentrait.

 

Mandaté par celle qui est devenue son adversaire, un détective se met à suivre Carlos à la trace pendant ses jours de garde et prend au téléobjectif des photos de la petite Marie en maillot de bain dans une pataugeoire d’Ouchy en croyant, à tort, qu’elle ne porte pas de culotte. La machine à fantasme s’emballe.

Mon ex est allée jusqu’au Tribunal fédéral pour m’empêcher de voir ma fille et, avec l’effet suspensif, j’ai été privé d’elle pendant six mois avant que les juges ne me donnent raison et que je récupère mon droit de visite.

 

Les années 2012 à 2015 sont marquées par une bataille terrible devant le juge de paix pour récupérer le droit de visite. C’est chose faite en 2015 avec la signature d’une convention. Mais, en 2016, pressée par les questions récurrentes et orientées de sa mère, la fille de Carlos, alors âgée de 7 ans, finit par dénoncer des attouchements. Une pédopsychiatre estime ces accusations crédibles. Sur cette base bien fragile, Carlos est pris dans l’engrenage de la prison préventive. La justice le sait grand voyageur et estime donc son risque de fuite élevé. Le Vaudois passera 15 mois derrière les barreaux. Un procès l’acquittera finalement en 2019 et il le sera de nouveau en appel au Tribunal cantonal en 2020.
En prison à la Croisée, il est enfermé vingt-trois heures sur vingt-quatre dans une cellule de 8 m² avec un codétenu pas toujours agréable à vivre… Là, le croyant pédophile, d’autres taulards tentent de l’agresser. Pour le procès, Carlos fait venir de France un spécialiste de l’aliénation parentale, c’est-à-dire des mécaniques perverses qui enferment un enfant de parents séparés dans un conflit de loyauté destructeur entre son père et sa mère.

C’est une thématique encore trop peu reconnue en Suisse (mais que le Grand Conseil vaudois a fini par reconnaître en mai dernier, ndlr). J’ai dû emprunter de l’argent à des amis pour cela, car je n’avais plus rien. J’ai dépensé au total 280000 francs dans ce marathon juridique, et mon 2e pilier, que j’avais sorti pour me lancer comme indépendant, y est passé aussi !

Ses années de galère ont été marquées par deux expertises psychiatriques de neuf mois chacune. Les deux ont conclu que le Vaudois est un père adéquat. Il en a redemandé une troisième dans l’espoir de renouer le contact avec sa fille. Ses conclusions sont tombées en 2022. Elles établissaient que l’adolescente devait bénéficier de la supervision d’un curateur et aussi qu’elle ait la possibilité de consulter un cabinet de psychologie neutre pour, le cas échéant, rétablir le contact avec son père. Cette thérapie a commencé en 2023 et porte ses fruits. Carlos vient de renouer le contact avec sa fille tant aimée. L’ado de 15 ans n’a plus grand-chose à voir avec la petite Marie aimante qu’il avait connue avant cette épreuve, ni avec celle qu’elle aurait été sans la traverser.

Les années perdues ne se rattraperont jamais, mais il nous reste un avenir à vivre

conclut-il plein d’optimisme.

Carlos est aujourd’hui un homme serein qui a réussi à tirer des enseignements et de la force de son enfer. Le sexagénaire a publié deux livres sur son expérience.
Par LAURENT GRABET

* Véritables noms connus de la rédaction