La Suisse rattrape son retard en matière de garde alternée

9 juillet 2024 | Autres, Politique

Face à une législation encore conservatrice, une initiative parlementaire sur la prise en charge des enfants en cas de séparation a fait carton plein dans les commissions juridiques des deux Chambres fédérales. Un projet de loi sera soumis en consultation prochainement

En Suisse, les enfants de parents séparés vivent dans 85 à 90% des cas chez l’un des parents et ne voient l’autre parent qu’un week-end sur deux, soit quatre jours par mois. Une réalité qui choque et ne semble plus en accord avec son temps. « La Suisse est très en retard, les pays nordiques imposent désormais automatiquement la garde alternée, et même si nous n’irons pas jusque-là, il est indispensable de modifier la loi pour favoriser cette répartition équitable de la prise en charge des enfants par leurs parents », entame Sidney Kamerzin.

Réticences à gauche

Le conseiller national centriste valaisan a fait mouche avec son initiative parlementaire « Favoriser la garde alternée en cas d’autorité parentale conjointe ». Ella a été acceptée par les commissions juridiques des deux Chambres et donc envoyée directement à l’administration fédérale qui se chargera ces prochains mois de rédiger un projet de loi, sans passer préalablement par un débat en plénum.

30%

On parle de garde alternée lorsque le pourcentage de la garde exercée par chacun des parents est d’au moins 30 à 35%.

Au civil, Sidney Kamerzin est avocat à Sierre. Dans sa pratique, il est régulière- ment confronté à des cas où le père sou- haite davantage passer de temps avec son enfant, même si cela implique une diminu- tion de son taux d’activité professionnelle, et face au refus de la mère, voit le juge trancher en faveur de cette dernière. «Cette initiative vise à inscrire dans la loi que le refus de l’un des parents ne pourra dorénavant plus faire obstacle à la mise en place d’une garde alter- née, détaille-t-il. Le juge priorisera cette alternative comme modèle souhaitable.» On parle de garde alternée lorsque le pour- centage de la garde exercée par chacun des parents est d’au moins 30 à 35%.

La commission des Etats a relevé que l’autorité parentale conjointe, devenue la règle en 2014, s’applique à environ 80% des familles séparées. Néanmoins, lorsqu’il existe des tensions-même peu marquées- entre les parents, les juges de première ins- tance se prononcent en effet la plupart du temps contre la garde alternée, retenant la solution traditionnelle selon laquelle la garde est attribuée à l’un des parents, avec un droit de visite en faveur de l’autre.

L’imposer par défaut?

La commission souligne que, de nos jours, dans de nombreuses familles, les deux parents s’investissent activement dans l’éducation de leurs enfants et passent beau- coup de temps avec eux. Lorsque, après une séparation, l’un des parents ne peut plus voir ses enfants que quatre jours par mois, la situation est très douloureuse aussi bien pour le parent concerné que pour les enfants. Elle se dit convaincue que la garde alternée permet de mieux garantir le bien de l’enfant même s’il existe des conflits entre les parents séparés. Il est donc important, à ses yeux, de codifier la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui a établi que le refus de l’un des parents ne fait pas obstacle à la mise en place d’une garde alternée, afin que le modèle en question puisse également s’imposer dans les tribunaux de première instance.

Porte-parole de la Coordination romande des organisations paternelles (CROP), Patrick Robinson salue cette avancée. Il souligne que dans la majorité des cas, une garde alternée a un effet positif tant sur le déve- loppement de l’enfant que chez les parents, tout en favorisant l’égalité des chances sur le marché du travail. «J’imagine que certains seraient prêts à aller plus loin: au lieu de favoriser la garde partagée, l’imposer par défaut, avance-t-il. En Suisse, tout ce qui touche à la parentalité a énormément évolué ces dix dernières années et la juridiction doit désormais suivre. Je remarque également une transformation, dans les deux Chambres fédérales, avec des politiciens plus jeunes, de gauche comme de droite, désireux de travailler à l’égalité des chances et des contraintes dans tout ce qui touche la conciliation famille-travail. »