Publié par
GHI
Résumé:
L’association Père pour toujours Genève et l’avocate Anne Reiser dénoncent les injustices vécues par les pères lors des divorces.
Beaucoup d’hommes se sentent réduits à «payer et se taire», voyant peu leurs enfants malgré leur engagement.
Divorce : « Le père paye et ferme sa g… »
FAMILLE • L’association Père pour toujours Genève et l’avocate Anne Reiser déplorent le manque d’avancées en la matière sur le plan juridique et législatif.
«Le père paye et ferme sa g…», résume Jo. Tel est son sentiment après un an de procédure de divorce… et ce n’est toujours pas réglé ! C’est long, lourd et déstabilisant, ajoute ce quadragénaire visiblement peiné par la situation. Il faut dire que, depuis qu’il est séparé de son épouse, il voit peu ses enfants. Son cas est loin d’être une exception.
Comme en atteste Felipe Fernandez, secrétaire de l’association Père pour toujours Genève. L’association, qui promeut notamment des relations apaisées et équilibrées avec leur père après une séparation, reçoit en moyenne un à deux coups de téléphone par jour.
Certains demandent des conseils, d’autres cherchent un soutien face à une procédure longue et stressante. On sent beaucoup de colère… Le système n’est bon pour personne. Il aggrave le conflit entre parents, au lieu de l’apaiser
regrette Felipe Fernandez.
En la matière, la justice genevoise a encore du chemin à parcourir, explique-t-il. A Mayenne (Bas-Valais), on applique depuis plus de deux ans le modèle de Cochem (la ville allemande où cette méthode a vu le jour). On agit rapidement, en privilégiant la médiation. Ainsi, les intervenants aident les parents à trouver une solution pour la garde des enfants. Dans la plupart des cas, la situation se clarifie et les iniquités diminuent.
Si à Bâle-Ville un projet de ce genre a été lancé en 2015 et si un projet du même type est lancé dans l’Est vaudois, Genève est à la traîne. «Même s’il y a des médiations, les enfants sont trop souvent attribués qu’avant, avec ce que cela fait courir comme risques. Heureusement, les chances sont en route, notamment à travers le projet du Conseil d’Etat sur la médiation», indique Felipe Fernandez, préférant voir le verre à moitié plein.
Des lunettes dans une seule direction
L’avocate Anne Reiser, spécialisée dans le droit des familles, est plus sévère : «L’homme est un modèle. À moins d’être une mère comme les autres, c’est-à-dire de se comporter telle une mère avec l’enfant, le père n’est pas entendu dans le système actuel.»
Elle cite l’exemple du père ayant enlevé ses deux enfants récemment à Thônex : «Sans ce genre de cas, on n’est d’accord pour dire que la justice est trop lente et déconnectée de la réalité, or conséquence que les enfants (et les parents) souffrent. Il faut s’interroger : comment se fait-il que des gens recourent à des actes de justice propre ? Ne sont-ce pas des appels au secours ? Cela démontre bien qu’il y aurait à traiter cette situation sociale.»
L’avocate se désole :
En 15 ans, tout ce qu’on entendait par amendes dans le Code civil de 1912 n’évolue guère ! Et pourtant la capacité législative et juridictionnelle existe bel et bien.
Au cœur de la problématique, analyse-t-elle : l’argent.
Ou comment ce père en Suisse que la famille doit être financièrement autonome. Dans le cadre d’une séparation, on regarde qui gagne le mieux et six fois sur dix c’est l’homme qui assume les difficultés financières. Et qu’il n’aura, de facto, pas assez de temps à consacrer à ses enfants, étant donné que le père finance, assume les dettes et la mère gère la vie avec les enfants
Citant le fait qu’en Suisse, 17% des enfants vivent sous le seuil de pauvreté, Anne Reiser s’étonne :
Cette réalité sociale n’est absolument pas perçue par les juges, ni par les autorités de protection de l’enfance… Ces derniers portent même encore des mesures pour la révision de l’article de 2021.
Évolutions cantonale et fédérale
Dénonçant une violence structurelle qui frappe particulièrement les hommes, Anne Reiser appelle à une évolution du cadre légal. Elle rejette aussi du mouvement initié par le pouvoir judiciaire et par le canton en proposant de s’appuyer sur le modèle Père pour toujours via la médiation. Et, sur le plan fédéral, du rapport du Conseil fédéral sur le traitement des pensions alimentaires, attendu pour 2023.
Felipe Fernandez, lui, se veut confiant :
Peu à peu, les mentalités évoluent. De nos jours, les pères sont plus engagés dès la naissance de l’enfant. Pour autant, cela ne veut pas dire que le système n’est pas normé de devoir se battre pour la garde alternée… Encore beaucoup de chemin nous attend.
par Marie Prieur

